
« Les dunes sont des draps où s’endort l’Histoire »
Par Stéphanie RAMOS
Poème
Les dunes sont des draps où s’endort l’histoire,
Et les palmiers dressés comme des lances d’espoir.
Le soleil y tombe en or sur les murs blanchis,
Et le silence y hurle ce qu’on n’a jamais dit.
Le vent du Djebel parle en langues entremêlées,
Berbère, arabe, français — mémoire éclatée
. Sous les oliviers tordus, la terre garde trace
Des pas de ceux qui fuient, de ceux qui font face.
Camus y cherchait l’homme, entre justice et sable,
Sénac y semait l’amour, nu, libre, inévitable.
Kateb Yacine hurlait dans les rues sans repos,
Et Feraoun écrivait à l’encre des tombeaux.
Les années s’égrènent : 1954, le feu s’élève,
1962, l’indépendance, mais pas sans trêve.
Entre ces dates, des vies, des cris, des silences,
Des serments brisés, des regards en errance.
Les soldats, les civils sans nom,
Tous pris dans l’étau d’un même abandon.
Et la mer, là-bas, bleue comme une blessure,
Recueille les exils, les deuils, les murmures.
Il y eut des serments, des larmes, des départs,
Des soldats sans âge, des regards trop tard.
La guerre y passa comme un feu sans visage,
Et l’amour s’y cacha dans les plis du carnage.
Mais la terre, elle, ne juge ni ne ment,
Elle offre ses parfums, ses olives, son sang.
Elle est ce chant mêlé de douleur et de joie,
Où l’homme cherche encore ce qu’il fut, ce qu’il croit.
Afrique du Nord, tu es plus qu’un décor,
Tu es l’éclat du vivre, le poids de la mort.
Et ceux qui t’ont quittée t’emportent en silence,
Comme un feu dans le cœur, comme une délivrance.
«La Marseillaise pleure dans les plis du drapeau »
Poème de Stéphanie RAMOS
Aux Morts pour la France
Ils dorment sous les marbres que l’Histoire caresse,
Dans l’ombre des arbres où le silence prie,
Leur nom s’efface à peine, mais leur gloire transperce
Le voile des siècles, comme un chant d’épopée.
Ils dorment sous le ciel que l’Histoire embrasse,
Dans l’ombre des cyprès où le silence passe,
Leur nom, gravé dans l’or des stèles immortelles,
Résonne comme un chant dans les voûtes célestes.
Ô vous, les fils d’Austerlitz, les frères de Verdun,
Dont le sang fut semé comme un blé de courage,
Vous êtes les piliers du vieux destin d’un autre âge,
Quelques vers illustrant un sublime héritage.
Vous êtes les piliers du vieux destin de France,
Les strophes incarnées de sa noble espérance,
Et dans vos pas sacrés, le sol même s’éclaire,
Comme un livre vivant que le peuple révère.
Victor Hugo pleure en vous ses “ombres fraternelles”,
Et Lamartine, au bord des lacs, vous évoquait,
Quand l’âme de la France, en ses heures cruelles,
Trouvait dans vos regards l’éclat qui la dressait.
Vous êtes les silences que Claudel magnifia,
Les pas dans la poussière que Péguy sanctifia,
Les “morts pour la patrie” que Vigny prophétisa,
Et les “âmes ardentes” que Aragon glorifia.
Vos tombes sont des livres que nul ne referme,
Chaque pierre gravée est comme une mère,
Et dans le vent qui souffle, un murmure resonne
Que le sol est sacré, et que ciel vous nomme.
La Marseillaise pleure dans les plis du drapeau,
Les cloches de Chartres, en leur bronze nouveau,
Répètent vos serments, vos cris, vos idéaux,
Comme un psaume d’airain dans le matin très haut.
Vous n’êtes point poussière, mais flamme éternelle,
Qui veille dans nos cœurs comme un feu souverain.
Et lorsque l’aube éclaire nos terres si belles,
C’est votre souffle ancien qui ranime le matin.
Vous êtes l’espérance au front des héritiers,
Le verbe de la France inscrit dans l’amitié.
Vous êtes les pas dans la poussière, de simples héros.
Ainsi pour toujours, la Marseillaise vous pleure dans les plis du drapeau
«
Le Mékong
Par Stéphanie RAMOS
Poème sur l’Indochine
Le Mékong s’étire en silence, indolent,
Sous l’éclat d’un ciel lourd, fiévreux et brûlant.
Ses eaux, comme un soupir, caressent les rizières,
Et bercent les remords d’anciennes frontières.
Saïgon s’effeuille au vent, dans l’ombre des fusils,
Le jasmin s’y mêle aux parfums d’exil.
Les enfants jouent encore, entre les chars rouillés,
Ignorant les adieux, les serments oubliés.
La jungle est un poème aux vers inachevés,
Où l’homme se confond avec l’arbre levé.
Les maquis sont des chants que le silence rature,
Et la guerre un tableau sans cadre ni mesure.
Mais parfois, dans l’éclat d’un matin suspendu,
Un rire, une caresse, un regard inattendu,
Font renaître un instant l’éclat d’une lumière,
Comme un souffle d’espoir dans l’air militaire.
L’Indochine n’est pas qu’un empire en déclin,
C’est une amante fière au regard incertain.
Ceux qui l’ont aimée savent qu’on n’en revient
Qu’avec l’âme en lambeaux… et le cœur en lointain.
« Les Pas dans la poussière, »
Poème de Stéphanie RAMOS
Poème sur l OPEX
Ils marchent dans le sable, comme d’autres dans la boue,
Sous des cieux étrangers, là où la France joue
Son nom, son idéal, sa promesse lointaine,
Et portent dans leur cœur les échos de la peine.
Ils partent sans éclat, sans fanfare, sans bruit,
Vers des terres sans nom, vers des ciels sans appui.
Leur serment est discret, leur mission sans décor,
Mais dans leurs pas s’inscrit le poids de notre sort.
OPEX — ce mot bref, ce souffle de distance,
C’est la France qui marche, vêtue de résistance.
Mali, Irak, Liban, Sahel ou Djibouti,
Chaque lieu est un front, chaque heure un défi.
Ils ne cherchent ni gloire, ni récit héroïque,
Mais bâtissent la paix dans le feu stratégique.
Ils tendent une main là où tout s’effondre,
Et veillent dans la nuit que le monde ne sombre.
Le soldat d’aujourd’hui, au Mali ou au Liban,
Porte en lui les récits des anciens bataillons.
Il est l’héritier muet d’une mémoire vivante,
Où chaque blessure forge une paix militante.
Ils sont les fils d’une lignée sans fin,
Des anciens de Diên Biên, de Sarajevo, d’Indochine.
Leurs gestes prolongent ceux des combattants d’hier,
Et leur courage s’écrit dans le sable et la pierre.
Camus aurait dit : « L’homme est ce qu’il défend »,
Char aurait écrit : « Le feu est dans le sang ».
Mais eux, ils se taisent, car le verbe est trop lourd,
Et la guerre, même juste, ne connaît pas l’amour.
Ils reviennent parfois, mais jamais tout à fait,
Avec dans le regard ce que nul ne sait.
Et la nation les salue, d’un geste retenu,
Sans toujours comprendre ce qu’ils ont vécu
Ce poème est pour eux — les vivants, les tombés,
Ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui, ceux qui ont su plier
Leur vie à l’honneur, leur souffle à la patrie,
Et qui, dans le silence, ont fait ce qu’on oublie.
Quand renaissent les cendres.
Poème sur 1939-1945
Par Stéphanie RAMOS
Ils sont venus un soir, casqués de nuit et d’acier,
Foulant nos terres vives comme on piétine un passé.
Leurs lois dans nos silences, leurs croix sur nos maisons,
Et la France s’est tue… mais son cœur fit raison.
Aragon écrivait que l’amour est une arme,
Éluard semait l’espoir dans les cendres des larmes.
Char, dans les maquis, forgeait des mots de feu,
Et Cayrol, rescapé, chantait les morts debout.
Les fusils parlaient fort, mais les âmes criaient plus,
Dans les caves, les bois, les trains disparus.
Chaque geste était feu, chaque pas résistance,
Et l’amour devenait une forme d’insoumission.
Ils ont pendu nos frères, brûlé nos villages,
Mais n’ont pu effacer l’éclat des visages.
Car un peuple qui tombe se relève en éclats,
Et grave dans la pierre ce qu’on n’oubliera pas.
Ce poème est pour eux — les sans nom, les sans grade,
Ceux qui ont dit non, debout sous les grenades.
Pour ceux qui ont écrit la liberté en flammes,
Et qui, dans le silence, ont sauvé notre âme.
Ne dites pas que c’est loin, que c’est fini, que c’est vieux,
Car l’histoire recommence quand l’homme ferme les yeux.
Et tant qu’un cri s’élève contre l’ordre des chaînes,
La guerre n’est qu’un miroir… et la paix une reine.